L’édito : dédiabolisation tardive

Un peu moins de trois ans. C’est la durée qu’il aura fallu aux gouvernements occidentaux pour enfin concéder une légitimité, certes moindre, au président syrien Bachar al-Assad. Une véritable marche arrière depuis le début de la crise, en mars 2011. D’une seule et même voix, les chancelleries ont informé l’opposition que son départ n’était plus la priorité. La reconnaissance tardive du régime laïc syrien, il faut le rappeler, serait soudainement devenue une « priorité ». La veille, l’ex-directeur de la CIA, Michael Hayden, annonçait déjà la couleur : « la victoire d’Assad, c’est la meilleure solution, le moindre mal. » Mais ce virage n’intervient-il pas un peu trop tard ? Là où les russes ont fait preuve de réalisme politique, en dénonçant dès le début la majorité islamiste se dégageant de la « rébellion », nous nous sommes évertués à répéter sans relâche que « Assad doit partir », sans réfléchir aux conséquences que cela aurait sur la Syrie et la région. On se souvient encore du ton grave et menaçant du président Hollande : « Nous sommes prêts à punir le responsable du gazage infâme », en référence à l’utilisation supposée d’armes chimiques dans le conflit. Aujourd’hui, l’entente inavouée semble revenue. Selon l’AFP, « des ambassadeurs et des membres des services de renseignements européens ont repris contact discrètement avec des responsables syriens. » Rejoignant cette approche, il n’est pas à exclure que les médias occidentaux admettent, in fine, la présence de « groupes terroristes armés » en Syrie, rejoignant ici le vocable utilisé par la Russie. Une opposition morcelée, radicalisée, discréditée dans l’opinion publique occidentale, ne peut mener un pays qu’au chaos généralisé, à la « somalisation ». Fragmentée, elle l’a d’ailleurs toujours été, « L’armée syrienne libre » n’étant qu’un écran de fumée cachant la forêt islamiste active en Syrie. Après la guerre ouverte contre la Syrie, la guerre froide ? C’est ce que laisse présager ce repositionnement américano-européen sur la crise syrienne. L’exercice d’équilibriste s’annonce vertigineux, lorsqu’on prend acte des buts clairement énoncés par la Turquie ou l’Arabie Saoudite à propos du gouvernement du président Assad, ces derniers voulant purement et simplement l’éliminer. Le récent rapprochement Occident-Iran ne serait que le début de ce repositionnement. Il n’est donc pas exclu que le président syrien puisse se représenter en 2014 pour un nouveau mandat. Les cartes rebattues, les jeux diplomatiques sont ouverts.Image